ST. JOHN’S, T.-N.-L. — Une décision marquante a été prise jeudi soir par le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, qui a opté pour un projet de contrat énergétique avec le Québec jugé révolutionnaire pour cette province atlantique lourdement endettée.

Lors de cette séance, les Conservateurs progressistes de l’opposition ont quitté l’Assemblée législative en signe de protestation, sans prendre part au vote. Le parti avait insisté à plusieurs reprises pour qu’un examen préalable de l’accord provisoire soit effectué avant la prise de décision, mais ses demandes n’ont pas été prises en compte.

« Les gens exigent plus que de la rhétorique, ils veulent que cet accord change véritablement la donne », a déclaré le leader conservateur Tony Wakeham avant que ses 13 collègues ne quittent l’assemblée.

Parallèlement, le premier ministre libéral Andrew Furey a reçu une ovation debout de la part de son caucus alors qu’il prenait la parole avant le vote.

« Nous avons attendu plus de 50 ans », a-t-il souligné devant l’assemblée. « Notre position n’a jamais été aussi solide. Nous le savons, et le Québec le sait également. »

Le gouvernement a ouvert la session de l’Assemblée lundi pour un débat de quatre jours concernant le protocole d’entente dévoilé le 12 décembre entre Hydro-Québec et Newfoundland and Labrador Hydro. Cet accord promet environ 227 milliards de dollars de revenus pour le trésor de la province, dont une grande partie proviendra de 50 ans de nouveaux tarifs qu’Hydro-Québec paiera pour l’électricité produite par la centrale de Churchill Falls au Labrador.

Ce projet d’accord ne se contente pas de promettre des revenus additionnels, mais il aspire également à mettre fin à l’amertume persistante résultant d’un contrat de 1969 qui favorisait lourdement le Québec. Selon l’ancien accord, Hydro-Québec achetait environ 15 % de son énergie provenant de la centrale de Churchill Falls à des prix bien en deçà de la valeur du marché.

Dans le nouveau contexte, Hydro-Québec paiera environ 30 fois plus pour l’énergie, ce qui rapportera à Terre-Neuve-et-Labrador en moyenne 1 milliard de dollars par an jusqu’en 2041, puis 4 milliards de dollars par an après 2056.

La société provinciale Hydro-Québec versera également une redevance de 3,5 milliards de dollars à Newfoundland and Labrador Hydro pour le droit de co-développer deux nouveaux projets énergétiques sur la rivière Churchill. Newfoundland and Labrador Hydro sera le propriétaire majoritaire de ces projets, tandis qu’Hydro-Québec prendra en charge les éventuels dépassements de coûts.

Newfoundland and Labrador Hydro conservera plus d’un tiers de la redevance de 3,5 milliards de dollars, que les projets aboutissent ou non.

Le budget total de la province cette année s’élève à environ 10,4 milliards de dollars, alors que la province affiche une dette nette d’environ 17,7 milliards de dollars.

Jennifer Williams, PDG de Newfoundland and Labrador Hydro, a été chaleureusement applaudie après avoir dressé une longue liste d’avantages offerts par l’accord. « Une équité qui n’existait pas dans le contrat original », a-t-elle déclaré. « Nous reprenons le contrôle de cette rivière. Et c’est le meilleur accord qui soit. »

Sean Cadigan, professeur d’histoire à l’Université Memorial de St. John’s, a avoué avoir été « abasourdi » par l’annonce d’un nouvel arrangement entre les deux provinces. « La perception d’injustice liée au développement de Churchill Falls en 1969 a été profondément ressentie à Terre-Neuve-et-Labrador », a-t-il déclaré en entretien.

« C’est une occasion historique. »

Le NPD provincial a également apporté son soutien à l’accord jeudi, aux côtés de deux députés indépendants. Ils ont pris cette décision après que les libéraux ont annoncé la mise en place d’un panel indépendant, dirigé par le défenseur des consommateurs de la province, pour examiner le protocole d’accord et les négociations subséquentes.

Des entreprises telles que JP Morgan et Power Advisory ont également dispensé des conseils, et leurs représentants ont témoigné mercredi.

Les Conservateurs progressistes ont demandé à plusieurs reprises tout au long du débat de reporter le vote jusqu’à la complétion de cet examen. Le parti compte 14 des 40 sièges de l’assemblée.

Les Tories ont évoqué les frictions historiques avec le Québec. Mardi, Wakeham a brandi une carte du gouvernement du Québec montrant que la frontière entre les provinces au Labrador était contestée. Le Québec n’a jamais reconnu la décision de la Cour privée du Conseil britannique de 1927, qui stipule que la frontière sud du Labrador se situe au 52e parallèle au nord de l’équateur.

« Cette frontière est définitive, non négociable et elle le sera pour toujours », a répondu Furey. La même nuit, Wakeham a envoyé un courriel de collecte de fonds demandant : « Le Québec a-t-il le dessus ? »

« Est-ce que le Québec a encore eu le meilleur accord ? », ajoutait le message.

Les Conservateurs ont également mis en avant des commentaires d’agents d’Hydro-Québec indiquant que l’accord provisoire permet au service public de bénéficier d’énergie à des tarifs « remarquables » pendant des décennies. En comparaison avec le coût d’autres sources d’énergie, ces tarifs sont effectivement moins élevés, a affirmé Furey aux journalistes mercredi. « Si ce n’était pas une bonne alternative pour eux, pourquoi feraient-ils affaire avec nous ? »

Jason Chee-Aloy, directeur général de Power Advisory basé à Toronto, a noté que l’accord provisoire est « très avantageux » pour Terre-Neuve-et-Labrador, reflétant les leçons tirées des erreurs passées. La plupart des acteurs du secteur énergétique canadien connaissent l’histoire hydroélectrique de Terre-Neuve-et-Labrador et du Québec, a-t-il ajouté, soulignant la complexité et l’ampleur de cet accord. « Ils sont très impressionnés qu’on soit parvenu à un protocole d’entente », a-t-il indiqué.

Le vote de jeudi permet à Newfoundland and Labrador Hydro de continuer à négocier des accords finaux et contraignants avec Hydro-Québec, qui devraient être conclus en 2026.

La centrale de Churchill Falls a une capacité de production d’environ 5 400 mégawatts et produit chaque année environ 34 milliards de kilowattheures, soit l’équivalent de l’énergie nécessaire pour alimenter le Danemark, selon l’Administration américaine de l’information sur l’énergie.

Article original rédigé par : Sarah Smellie, The Canadian Press

Points à retenir

Le vote décisif au sein du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador marque une étape historique, témoignant d’une volonté de tourner la page sur des décennies de ressentiment liés au contrat de 1969 avec Hydro-Québec. Alors que cette nouvelle entente pourrait significativement alléger la dette de la province, la réaction de l’opposition soulève des questions sur la précipitation du processus de décision. Il sera crucial de veiller à ce que cette collaboration soit réellement bénéfique pour les citoyens de Terre-Neuve-et-Labrador, et de garantir transparence et équité dans les négociations futures. Le chemin vers la réconciliation et un avenir énergétique partagé semble prometteur, mais il nécessite une vigilance constante pour éviter de nouvelles disparités.



  • Source image(s) : www.townandcountrytoday.com
  • Source : https://www.townandcountrytoday.com/newfoundland-labrador-news/quebec-energy-deal-worth-billions-gets-green-light-in-newfoundland-and-labrador-10053263

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