ST. JOHN’S, T.N.-L. — Un projet d’accord énergétique avec le Québec, présenté comme une opportunité majeure pour la province endettée de Terre-Neuve-et-Labrador, est en route pour un vote ce jeudi soir au sein de l’Assemblée législative à St. John’s.

Le gouvernement libéral a ouvert la session de l’Assemblée législative lundi pour quatre jours de débats concernant le protocole d’entente dévoilé le 12 décembre entre Hydro-Québec et Hydro de Terre-Neuve-et-Labrador. Cet accord pourrait générer environ 227 milliards de dollars en revenus pour la province, la majeure partie de cette somme provenant des nouveaux tarifs qu’Hydro-Québec paiera pour l’énergie issue de la centrale de Churchill Falls, située au Labrador.

Ian Gillies, âgé de 58 ans, faisait partie des nombreux spectateurs qui ont suivi les débats chaque jour via un streaming sur YouTube. Il a déclaré n’avoir jamais assisté à une séance législative auparavant, mais l’enjeu était trop crucial pour être ignoré.

« Cela pourrait être un nouveau départ pour nous », a affirmé Gillies, employé d’une bibliothèque universitaire à St. John’s. « Mon fils a 23 ans. Il est à l’université. Il ne veut pas quitter Terre-Neuve… J’ai passé 20 ans à l’extérieur et j’en ai assez d’être contraint de quitter ce qui est le meilleur endroit au monde pour aller travailler ailleurs. »

L’accord provisoire ne se limite pas aux nouveaux revenus, il vise également à tourner la page sur un ressentiment persistant lié à un contrat de 1969 qui favorisait largement le Québec. Selon l’ancienne entente, Hydro-Québec achetait environ 15 % de son énergie provenant de la centrale de Churchill Falls à des tarifs très en dessous de la valeur du marché.

Dans le cadre du nouvel accord, Hydro-Québec s’engage à payer environ 30 fois plus pour l’énergie, apportant à Terre-Neuve-et-Labrador en moyenne 1 milliard de dollars par an jusqu’en 2041, puis 4 milliards par an après 2056.

De plus, la société d’État québécoise versera 3,5 milliards de dollars à Hydro de Terre-Neuve-et-Labrador pour le droit de co-développer deux nouveaux projets énergétiques sur la rivière Churchill. Hydro de Terre-Neuve-et-Labrador sera l’actionnaire majoritaire de ces projets, tandis qu’Hydro-Québec couvrira les éventuels dépassements de coûts.

La province a un budget total d’environ 10,4 milliards de dollars cette année, avec une dette nette d’environ 17,7 milliards de dollars.

« Le ressentiment perçu concernant le développement de Churchill Falls en 1969 a été profond à Terre-Neuve-et-Labrador », a indiqué Sean Cadigan, professeur à l’Université Memorial de St. John’s, spécialisé dans l’histoire de la province. Il a été « stupéfait » quand les deux provinces ont annoncé qu’elles avaient collaboré pour parvenir à un nouvel accord.

Gillies a admis avoir été sceptique envers l’accord au début des débats. Cependant, au matin de jeudi, il avait changé d’avis, tout comme le Nouveau Parti Démocratique de la province, qui a également exprimé son soutien à l’arrangement. Les deux membres du parti ont rejoint les deux indépendants pour annoncer qu’ils voteraient en faveur de l’acceptation de l’accord provisoire et des négociations finales. Ce soutien a été renforcé par l’annonce de l’établissement d’un panel indépendant qui examinera le protocole d’entente et les négociations qui suivront.

Des cabinets tels que JP Morgan et Power Advisory ont également apporté leur expertise, et leurs représentants ont témoigné. Les Conservateurs Progressistes ont, quant à eux, demandé à plusieurs reprises que le vote soit reporté jusqu’à ce qu’une analyse complète soit effectuée. Leur chef, Tony Wakeham, a exprimé, mercredi, que son parti ne voterait pas sans une première évaluation du traité. Le parti occupe 14 des 40 sièges de l’Assemblée législative.

Les Conservateurs Progressistes ont aussi mentionné les tensions historiques avec le Québec. Wakeham a tenu en main une carte du gouvernement du Québec montrant que la délimitation entre les provinces au Labrador était contestée. Le Québec n’a jamais reconnu la décision de 1927 du Conseil privé britannique établissant la frontière sud du Labrador selon le 52e parallèle.

« Certes, cette carte est une mauvaise représentation et nous devons en être tous conscients », a répondu le Premier ministre Andrew Furey. « Toutefois, cette frontière est définitive, non négociable et le sera pour toujours. »

Cette nuit-là, Wakeham a envoyé un courriel de collecte de fonds en se demandant, « Le Québec est-il en position de force ? » et a questionné, « Le Québec a-t-il encore obtenu un meilleur accord ? »

Les Conservateurs Progressistes ont également cité des commentaires de responsables d’Hydro-Québec affirmant que l’accord temporaire offrait au service public des décennies d’énergie à des tarifs « remarquables ». En réponse, Furey a précisé que, comparés aux coûts d’autres sources d’énergie, les tarifs étaient effectivement avantageux, soutenant que si cela n’était pas le cas, Hydro-Québec n’aurait pas formaliser cette entente.

Jason Chee-Aloy, directeur général de Power Advisory basé à Toronto, a qualifié l’accord de « très bon » pour Terre-Neuve-et-Labrador, affirmant qu’il tenait compte des leçons des erreurs passées. La plupart des acteurs du secteur énergétique canadien connaissent l’historique hydroélectrique de Terre-Neuve-et-Labrador et du Québec, a précisé Chee-Aloy. « Ils comprennent la complexité et l’importance de cet accord. Ils sont très impressionnés qu’il ait abouti à un protocole d’entente. »

Hydro-Québec et Hydro de Terre-Neuve-et-Labrador espèrent finaliser des accords contraignants d’ici 2026.

La centrale de Churchill Falls a une capacité de production d’environ 5 400 mégawatts et produit environ 34 milliards de kilowattheures par an, suffisant pour alimenter un pays comme le Danemark, d’après l’Administration américaine de l’information sur l’énergie.

Article original rédigé par : Sarah Smellie, The Canadian Press

Points à retenir

Le projet d’accord énergétique entre Terre-Neuve-et-Labrador et le Québec est en passe d’être voté à l’Assemblée législative, promettant des revenus significatifs pour la province, après des décennies de ressentiment envers un contrat désavantageux de 1969. Avec un potentiel de 1 milliard de dollars par an jusqu’en 2041, puis 4 milliards après 2056, cet accord pourrait véritablement transformer l’économie locale. Cependant, certaines voix s’élèvent pour questionner la solidité des termes de cet accord, notamment sur la position de Québec, soulignant l’importance d’une analyse minutieuse avant de s’engager définitivement. Cette situation offre une opportunité inédite de réconciliation des relations interprovinciales, mais elle nécessite une vigilance accrue, afin que les intérêts de Terre-Neuve-et-Labrador soient pleinement protégés.



  • Source image(s) : www.stalbertgazette.com
  • Source : https://www.stalbertgazette.com/national-business/quebec-energy-deal-touted-as-new-chapter-for-newfoundland-and-labrador-heads-for-vote-10053085

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