Terre-Neuve-et-Labrador a conclu un accord marquant — mais encore précaire — avec le Québec concernant l’approvisionnement en électricité provenant de la centrale hydroélectrique de Churchill Falls, offrant ainsi la perspective de profits de plusieurs milliards de dollars sur les cinquante prochaines années.
Lors d’une conférence de presse à St. John’s, le Premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, et son homologue du Québec, François Legault, ont présenté les termes d’un protocole d’accord qui pourrait rapporter 200 milliards de dollars à chacune des provinces sur le long terme.
Dans le cadre de ce vaste accord, qui remplace un contrat de 65 ans longtemps décrié par de nombreux politiciens de N.L., les deux chefs de gouvernement ont également annoncé des projets de développement de l’île Gull, l’un des derniers grands projets hydrauliques non encore exploités en Amérique du Nord.
« Aujourd’hui, tout change pour Terre-Neuve-et-Labrador », a déclaré Furey devant une salle comble.
« Nous annulons le contrat de 1969. Pas en 2041, lorsqu’il expire, mais aujourd’hui. »
Pour appuyer ses dires, il a déchiré un document en parlant aux journalistes.
Legault a également salué l’accord, le qualifiant de « gagnant-gagnant » qui aidera Hydro-Québec à atteindre ses ambitieux objectifs d’augmentation de capacité dans les années à venir, tout en ouvrant une nouvelle source d’énergie à Gull Island que les deux provinces pourront commercialiser.
Le protocole d’accord devrait être formalisé d’ici 2026.
Cet accord bénéficie également du soutien de la nation Innu, dont le Grand Chef Simon Pokue a signé le protocole non contraignant à St. John’s. Les leaders Innu se plaignent depuis des années que Churchill Falls a été construit sans leur consentement sur leurs terres traditionnelles.
Furey a ajouté que les Innu auront la priorité en matière d’embauches pour les emplois liés à la construction de ce mégaprojet, suivis ensuite par les résidents du Labrador, puis ceux de Terre-Neuve.
Aujourd’hui, selon le contrat de 65 ans en cours, Terre-Neuve-et-Labrador ne reçoit que 0,2 cents/kWh. Avec le nouvel accord proposé, ce chiffre sera multiplié par au moins 30, atteignant 5,9 cents/kWh.
Au cours des 50 prochaines années, Terre-Neuve-et-Labrador s’attend à recevoir des milliards de dollars.
Dans les 17 prochaines années, les revenus annuels atteindront 1 milliard de dollars. À partir de 2041, ce montant doublera pour atteindre 2 milliards de dollars par an, puis encore une fois pour atteindre 4 milliards en 2056. Des clauses d’escalade garantiront des augmentations au-delà de ce point.
Même le paiement le plus modeste, de 1 milliard de dollars par an, pourrait avoir un impact considérable sur Terre-Neuve-et-Labrador, où le budget provincial le plus récent s’élevait à 10,4 milliards de dollars.
Pour le Québec, le protocole d’accord signifie une cinquantaine d’années d’approvisionnement fiable en hydroélectricité que Hydro-Québec pourra transmettre à ses clients.
Legault a précisé que cet accord implique également 200 milliards de dollars pour chaque province ainsi qu’une sécurité à long terme pour le Québec également.
« En politique, il faut penser à long terme. Il est impératif de penser aux générations futures », a souligné Legault en s’adressant à l’assemblée.
Nouveaux développements hydroélectriques au Labrador
La deuxième partie du protocole d’accord concerne des développements hydroélectriques qui renforceront considérablement la capacité électrique accessible au Labrador à 1 990 mégawatts.
Le projet hydroélectrique de Gull Island, discuté depuis longtemps et qui se situe en aval du fleuve Churchill, sera également envisagé.
Ce projet, qui a fait l’objet d’une évaluation environnementale en 2012, pourrait générer 2 250 MW.
Hydro-Québec serait le principal responsable du projet et gérerait sa construction, ce qui signifierait également qu’elle prendrait en charge les coûts supplémentaires éventuels. N.L. Hydro exploiterait l’installation et aurait accès à 225 MW.
Le projet de Gull Island constituerait une nouvelle entité, composée à 60 % de N.L. Hydro et 40 % d’Hydro-Québec.
La date prévue pour la mise en service de Gull Island est 2035, soit dans 11 ans.
N.L. Hydro et Hydro-Québec souhaitent également collaborer pour augmenter la production hydroélectrique à la centrale de Churchill Falls en construisant une deuxième centrale souterraine près du réservoir existant, capable de générer 1 110 MW.
Une évaluation environnementale sera également nécessaire, Hydro-Québec gérant la construction et N.L. Hydro exploitant l’installation une fois celle-ci terminée. N.L. Hydro aurait aussi accès à 135 MW.
Cette extension serait détenue par la Churchill Falls (Labrador) Corporation, dont 65,8 % seraient attribués à N.L. Hydro et 34,2 % à Hydro-Québec.
Churchill Falls (Labrador) Corporation pourrait également moderniser les unités existantes de Churchill Falls, ce qui augmenterait la production à 550 MW.
Dans ce cas, N.L. Hydro serait responsable de la construction et de l’achèvement, tout en développant de nouvelles lignes de transport à l’intérieur de la province.
Ces quatre projets pourraient également créer des milliers d’emplois, avec une moyenne de 3 000 emplois directs pendant la construction et, à son maximum, jusqu’à 5 000 emplois directs. Indirectement, cela pourrait atteindre 9 500 emplois.
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Points à retenir
Cet accord entre Terre-Neuve-et-Labrador et le Québec révèle un tournant significatif dans l’exploitation des ressources hydrauliques en Amérique du Nord. Il ne s’agit pas seulement d’une révision d’un contrat ancien, mais d’une réévaluation des relations provinciales et d’un fondement pour une collaboration fructueuse. À travers le projet Gull Island et les augmentations substantielles des revenus pour chaque province, l’accent est mis sur le développement durable et l’implication des communautés locales, notamment la nation Innu. Cependant, les défis liés aux impacts environnementaux et aux engagements de protection des droits des autochtones demeurent cruciaux et devront être adressés. Ce nouvel accord peut être perçu comme une opportunité pour un avenir énergétique partagé, mais il reste à voir comment il sera mis en œuvre et comment les retombées seront réellement ressenties sur le terrain.
- Source image(s) : www.cbc.ca
- Source : https://www.cbc.ca/news/canada/newfoundland-labrador/nl-quebec-new-churchill-falls-agreement-1.7408663