La Cour supérieure du Québec a récemment tranché en défaveur d’une entreprise de développement immobilier qui souhaitait faire retirer le statut de patrimoine des fortifications datant de la Première Guerre mondiale, surplombant le fleuve Saint-Laurent, à l’est de la ville de Québec.

Dans une décision rendue lundi, le juge Denis Jacques a souligné que les intérêts du public doivent être pris en compte face aux intérêts privés en matière de conservation et de classification patrimoniale.

“Dans cette affaire, l’intérêt privé des promoteurs immobiliers a cédé la place à l’intérêt général de la population, qui souhaite préserver ces vestiges de la Première Guerre mondiale, comme l’ont recommandé les experts du [Ministère de la Culture du Québec],” a écrit Jacques dans son jugement.

La décision judiciaire précise que le site patrimonial s’étend sur deux parcelles de terrain : l’une appartenant à la municipalité de Beaumont et l’autre à la société immobilière Gestion Breton Martineau.

Les ruines comprennent un ancien abri à munitions, situé sur le terrain municipal, ainsi que deux casemates — une sorte d’enveloppe blindée pour les canons lourds — dont l’une se trouve sur le domaine public et l’autre sur la propriété des plaignants. Ces casemates faisaient à l’origine partie du fort, construit en 1914, année où la guerre mondiale a éclaté en Europe.

“L’armée a abandonné le fort en 1917, car l’Allemagne et ses alliés ne constituaient plus une menace suffisante pour la navigation sur le fleuve Saint-Laurent,” indique une description du site patrimonial sur le site Web du ministère de la Culture du Québec.

“Le fort de Beaumont est donc l’une des rares installations de défense côtière associées à la Première Guerre mondiale situées sur le territoire québécois.”

En 2009 et 2012, Gestion Breton Martineau a acquis les terrains où se trouvent les vestiges du fort, dans l’intention d’y bâtir des logements. Selon la décision de Jacques, le ministère de la Culture s’est intéressé à la valeur patrimoniale du site vers 2012 et a commencé à prendre des mesures pour obtenir son enregistrement officiel.

En 2022, l’entreprise a déposé un recours de 2,09 millions de dollars contre la municipalité de Beaumont et le ministère de la Culture, les accusant d’utiliser la classification patrimoniale comme une forme d'”expropriation déguisée”, a déclaré Réjean Roy, l’avocat représentant les propriétaires de la société immobilière, ce jeudi. Le recours affirme que les actions du gouvernement ont causé des dommages à l’entreprise en empêchant la construction sur le terrain.

Malgré cette action en justice, le ministère de la Culture a octroyé le statut de patrimoine au fort en 2023, décision qui a été confirmée par celle du tribunal de lundi.

Roy a précisé que ses clients sont déçus de cette décision et envisagent de faire appel avant de poursuivre leur demande de dommages-intérêts, qui est traitée séparément.

“C’est une fiction … de le considérer comme un fort. Ce n’est plus le cas,” a déclaré Roy lors d’une interview, décrivant la casemate sur la propriété de son client comme rien de plus que “du ciment dégradé.”

Il a ajouté que le maintien de la désignation patrimoniale empêche l’entreprise de construire neuf maisons, causant ainsi un préjudice économique tant pour les plaignants que pour la municipalité.

Aucun commentaire n’était immédiatement disponible de la part du ministère de la Culture et de la municipalité de Beaumont.

La Fondation Vimy, une organisation consacrée à la préservation de l’héritage canadien durant la Première Guerre mondiale, a qualifié le fort de pièce maîtresse de l’histoire militaire canadienne. “Nous sommes ravis que la désignation du Fort de Beaumont en tant que site patrimonial ait été confirmée,” a déclaré la fondation dans un communiqué envoyé par courriel ce jeudi.

“Ce site représente une partie importante et rare de l’histoire militaire de la Première Guerre mondiale au Québec et souligne la nécessité de préserver notre passé commun pour les générations futures.”

Points à retenir

La récente décision de la Cour supérieure du Québec rappelle l’importance de la préservation du patrimoine face aux intérêts immobiliers privés. Le statut de patrimoine accordé au Fort de Beaumont souligne la valeur historique inestimable de ces vestiges militaires, qui témoignent de l’héritage canadien durant la Première Guerre mondiale. Les enjeux soulevés par cette affaire vont au-delà des simples considérations économiques. Ils posent une question essentielle sur la manière dont nous choisissons de valoriser notre histoire collective. La résistance à l’expropriation déguisée des sites historiques pourrait inspirer d’autres collectivités à défendre leur patrimoine face à des projets de développement menaçants. Cette situation ouvre un débat plus large sur la place des vestiges du passé dans notre aménagement du territoire et nos priorités en matière de conservation.



  • Source image(s) : www.cbc.ca
  • Source : https://www.cbc.ca/news/canada/montreal/developer-loses-court-battle-to-remove-heritage-status-on-ww1-fort-in-quebec-1.7427535

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