Sécession. Capitaine Canada. Cinquante pour cent plus un.
Ces termes n’ont que très rarement été prononcés par la classe politique canadienne depuis le référendum sur l’indépendance du Québec en 1995. Cependant, aujourd’hui, bien que reléguées derrière des préoccupations telles que l’inflation et l’immigration, les discussions sur l’unité nationale commencent à résonner dans les couloirs du pouvoir.
Le Parti Québécois souverainiste s’est octroyé une avance significative dans les sondages provinciaux, se trouvant en tête du gouvernement de François Legault par près de 15 points dans certaines enquêtes — un écart qui s’est élargi plutôt que rétréci ces derniers mois.
De plus, le jeune et charismatique leader du parti, Paul St-Pierre Plamondon, promet un référendum durant son premier mandat s’il est élu.
Des fédéralistes de premier plan à Montréal et à Ottawa commencent à tirer la sonnette d’alarme, tant publiquement que dans des cercles privés, au sujet d’un vote sur la place du Québec au sein du Canada, désormais considéré avec moins de désinvolture qu’auparavant.
L’élection provinciale de 2026 semble être encore très éloignée en termes politiques, et les élections de Donald Trump ainsi que les menaces tarifaires ont récemment accaparé l’attention politique de la province. Cependant, certains s’inquiètent qu’au-delà de ces éléments, il n’y ait pas de challenger évident pour M. Plamondon et pas de leader clair pour une potentielle campagne du Non.
“L’exemple du Brexit montre qu’une fois que vous déclenchez cette machine référendaire, vous n’avez aucune idée de ce que pourrait être le résultat,” a déclaré André Pratte, président du comité national des politiques du Parti libéral du Québec. “Il est certain que David Cameron ne s’attendait pas à ce que le Brexit remporte le référendum, et pourtant cela s’est produit,” a-t-il ajouté, en référence à l’ancien Premier ministre britannique.
Il n’y a pas eu de véritable engouement populaire pour l’indépendance depuis que le PQ a grimpé dans les sondages. Le soutien à la séparation avec le Canada reste ancré à son niveau historique d’environ 35 %.
Toutefois, le paysage politique du Québec est fragmenté. La Coalition Avenir Québec, au pouvoir sous la direction de M. Legault, semble s’enliser dans la torpeur d’un second mandat après six ans au pouvoir. Les Libéraux provinciaux, traditionnellement porteurs du fédéralisme, sont au début d’une course pour le leadership. Deux autres partis, à gauche et à droite, attirent également un soutien à deux chiffres dans les sondages.
Cela signifie que le PQ pourrait remporter la prochaine élection et appeler à un référendum avec juste un peu plus de 30 % des voix.
Deux anciens conseillers à des premiers ministres libéraux ont récemment publié des opinion pieces au sujet du danger que représente pour le Québec une éventuelle chute dans un débat clivant portant sur son avenir. Gerald Butts, ancien secrétaire principal de Justin Trudeau, a indiqué que, lors de ses discussions avec des personnes éclairées dans le corridor Ottawa-Montréal, un ressentiment non partagé par le grand public canadien ressortait.
“C’est un risque plus important que ce que les gens peuvent appréhender,” a-t-il affirmé.
M. Butts, dont l’article “La crise de sécession du Québec approche, et le Canada n’est pas prêt” a été publié dans The Walrus, se décrit comme “marqué” par la proximité du référendum de 1995, lorsque, alors étudiant diplômé à l’université McGill, le camp du Non a remporté la victoire avec moins d’un point de pourcentage, après des années à considérer la victoire comme acquise.
Dans l’éventualité d’un troisième référendum – la question de la souveraineté ayant également été posée aux électeurs en 1980 – M. Butts craint que le Canada anglo-phone ne réagisse pas avec la même urgence que lors du rassemblement pour l’unité de 1995, où des opposants à l’indépendance avaient afflué à Montréal depuis tout le pays.
Selon lui, la place du Québec dans la politique nationale a diminué depuis lors, et l’Alberta, notamment, est devenue un axe d’anxiété pour l’unité nationale. De ce fait, le reste du Canada pourrait simplement “avoir moins de patience” pour cette discussion. Cette indifférence pourrait se transformer en hostilité, amplifiée par les dynamiques des réseaux sociaux – un phénomène qui profiterait à la cause souverainiste.
La dernière fois, a-t-il mentionné, “nous ne nous inquiétions pas d’une personne brûlant un fleur de lys et la diffusant à ses millions de followers.”
Eddie Goldenberg, un conseiller clé de l’ancien premier ministre Jean Chrétien, a partagé les inquiétudes de M. Butts et a appelé Justin Trudeau à démissionner pour qu’il puisse prendre la tête de la campagne du Non. Cet appel, publié dans National Newswatch, reflète les préoccupations des fédéralistes québécois quant à qui pourrait incarner le Capitaine Canada lors d’une campagne sur la souveraineté.
Le Parti libéral du Québec est actuellement sans leader permanent, bien que l’entrée de l’ancien ministre fédéral libéral Pablo Rodriguez dans la course à la direction ait suscité un intérêt médiatique accru.
Les conservateurs de Pierre Poilievre devraient former le prochain gouvernement fédéral, mais il est incertain de savoir comment il gérerait un débat sur l’indépendance, a affirmé Charles Breton, directeur exécutif du Centre d’Excellence sur la fédération canadienne à l’Institut de recherche en politiques publiques.
Pour Jean-François Lisée, ancien leader du Parti Québécois de 2016 à 2018, il y a un certain plaisir à voir des commentateurs anglophones canadiens exprimer à nouveau leur surprise face à la montée d’une option souverainiste. Il se souvient du choc horrifié qui a précédé le vote de 1995, lorsque la victoire du Oui semblait soudainement à portée de main.
“C’est un déjà-vu” a déclaré M. Lisée.
Points à retenir
Le Parti Québécois, désormais en tête des sondages et dirigé par Paul St-Pierre Plamondon, relance le débat sur l’indépendance, suscitant des craintes parmi les fédéralistes. Bien que le soutien à l’indépendance soit stable autour de 35 %, le paysage politique divisé du Québec et l’absence de leadership clair pour une campagne du Non ouvrent la porte à une future consultation populaire. Ce contexte fragilise l’unité canadienne et interpelle toutes les parties prenantes sur leur rôle à venir dans le maintien de l’harmonie nationale.
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