La redécouverte de "L’Aventure du Poséidon"
Le souvenir de Noël passé remonte à 1979 lorsque j’étais l’un des millions de téléspectateurs britanniques à découvrir "L’Aventure du Poséidon", le blockbuster de Ronald Neame sorti en 1972. Sa première diffusion à la télévision britannique a eu lieu le dimanche soir précédant le réveillon de Noël. En le revoyant en 2024, il est indéniable que certains de ses éléments ont mal vieilli. Toutefois, je pense qu’on peut défendre les années 70 comme une période marquante pour le cinéma, avec des œuvres comme "Le Jour du fléau", "Cabaret", "O Lucky Man !", "Délivrance", "La Classe dirigeante" ou encore "Silent Running". Ces films, à mon sens, demeurent techniquement, philosophiquement et cinématographiquement pertinents. Bien que "Airport" ait ouvert la voie aux films de désastre, "L’Aventure du Poséidon" a su poser les fondations avec un concept accrocheur, des stars de renom, une pause musicale, une catastrophe à mi-parcours, des cascades impressionnantes, et des scènes de feu et de fumée, entrecoupées de morts inattendues. La BBC a diffusé ce film huit fois au cours des douze années suivantes ; des suites et remakes souvent jugées peu réussies témoignent qu’ils avaient touché juste du premier coup.
Après quelques dialogues techniques un peu ennuyeux entre l’équipage du navire, dirigé par Leslie Nielsen, le cœur de ce film emblématique se dévoile ; un Ernest Borgnine, dans son rôle d’ex-policier, explique le fonctionnement des suppositoires. En 1972, ils savaient captiver leur public. Même si les effets spéciaux créés par des images de synthèse apportent un spectacle inégalé aux films contemporains, on peut imaginer l’impact d’une longue dispute avec son épouse (interprétée par Stella Stevens) sur l’écran. Ancienne travailleuse du sexe, elle est souvent arrêtée par Rogo pour l’empêcher de continuer son métier, une situation qui semble tout droit sortie d’un récit de Raymond Carver. Ce détail montre déjà que le traitement des femmes au sein du film laisse à désirer ; Rogo ne se prive pas de crier sur sa femme à chaque tournant, tout en s’en prenant également aux enfants et aux éventuels sauveteurs, témoignant d’un certain niveau d’hypocrisie. De plus, les références répétées au poids de Shelly Winters ne font pas honneur aux sensibilités d’aujourd’hui.
Clint Eastwood a finalement décliné ce rôle, mais Gene Hackman, frais de "French Connection", a pris le relais, vêtu d’un pull col roulé et portant une perruque qui semble à peine fixée, virevoltant autour de lui lors de son introduction en tant que personnage qui prêche la foi à ses compagnons de voyage. Son couvre-chef semble quelque peu réticent face aux éléments, un aperçu des nombreuses scènes mémorables à venir alors qu’une gigantesque vague retourne le bateau et confie à Frank Scott le leadership des survivants, maintenant chargés de trouver une issue à ce qui devient soudain le point d’évacuation le plus probable.
En transformant un sapin de Noël en chemin d’évasion plutôt qu’en simple décoration symbolique, Scott incarne un type de foi pratique et religieuse qui constitue un thème riche du film. Il va jusqu’à faire le plus grand sacrifice pour sauver les autres en mourant après avoir actionné une vanne bloquant une fuite de vapeur. Le film de Neame parvient à offrir une parabole religieuse où foi et espoir surpassent les obstacles, même si des sacrifices sont inévitables. À travers notamment l’interprétation de Roddy McDowall en purser serviable et celle de Shelley Winters, championne de nage, nous assistons à un ballet aquatique qui témoigne d’un engagement remarquable. Une réplique d’un voyageur ignare sur le dieu Poséidon rappelle qu’il faudra bien plus qu’un savoir en couture pour qu’un homme riche, tel que Red Buttons, puisse passer à travers le chas d’une aiguille ; le plaisir réside dans la possibilité de prédire qui survivra ou non.
Alors, préparez vos cornemuses pour le Nouvel An ! Oui, ce film est bel et bien un véritable film de Noël, un thriller dans lequel de bonnes personnes luttent pour gagner leur liberté dans un monde littéralement retourné. Les meubles cloués au sol qui se retrouvent au plafond après le retournement est un détail intriguant, et cette adaptation du roman de Paul Gallico laisse entrevoir une influence évidente sur les scènes océaniques du jeu vidéo "Uncharted". "L’Aventure du Poséidon" fonctionne toujours en 2024, même si elle ne présente pas le même niveau de spectacle que ce que laisse présager sa célèbre affiche. Ce qui fait la force des films des années 70, c’est leur originalité, cette absence d’imitation consciente qui a permis à ces œuvres de rester pertinentes plus de cinquante ans plus tard.
Points à retenir
L’impact de "L’Aventure du Poséidon" réside dans son regard sur les années 70, une époque où le cinéma explorait des récits authentiques et souvent provocateurs. Ce film nous rappelle l’importance de la narration cinématographique, tout en soulevant des questions sur le traitement des personnages féminins et les dynamiques de pouvoir au sein des relations. Malgré des éléments vieillissants, il parvient à captiver encore aujourd’hui, témoignant de l’héritage d’un cinéma qui a su miser sur la créativité. Son approche audacieuse de thèmes universels comme le sacrifice et la foi demeure pertinente, nous incitant à réfléchir sur les récits que nous choisissons de célébrer.
- Source image(s) : film-authority.com
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